Depuis plus d’une dizaine d’années, et d’autant plus depuis les révélations de Sarah Abitbol, le monde sportif s’est saisi de la question des violences sexuelles en milieu sportif. Pour autant, c’est la première fois qu’un long métrage si remarqué et remarquable traite de cette problématique avec tant de justesse.

Au-delà du « simple » fait de proposer un éclairage sur le sujet au grand public, ce qui n’est pas simple, l’œuvre de Charlène Favier dépeint avec une réalité aussi saisissante que troublante la nature des relations complexes qui peuvent s’établir entre un athlète et son entraineur. Sans tomber dans une lecture psychologisante de la relation entraineur-entrainé, ni dramatisante vis-à-vis des questions de soumission et de domination que l’on retrouve dans de nombreux domaines où les enjeux de performance (sportive, professionnelle, académique, artistique…) deviennent centrales et susceptibles de justifier diverses formes de dérives, Slalom a le mérite de présenter de façon explicite et réaliste la relation d’emprise entre une jeune skieuse et son entraineur, respectivement et brillamment interprétés par Noée Abita et Jérémie Rénier.

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Traiter d’une telle emprise est risqué, complexe, tant il est fréquent de tomber dans des clichés tels que les fameux « c’est normal pour une sportive de tomber amoureuse de son entraineur », utilisés à bon escient par les auteurs de violence pour justifier abusivement d’un consentement qui n’existe pas chez la victime, ou encore « mettez-vous à la place de l’entraineur, c’est normal qu’il puisse tomber en admiration vis-à-vis d’un ou une de ses athlètes, voire même que ça se transforme et amour », servant alors d’excuse à l’apparition de comportements déviants s’écartant du rôle auquel se doivent les encadrants sportifs. Pour autant, Slalom fait bel et bien partie de ces œuvres qui traitent de l’emprise en contexte sportif, en la traitant de la façon la plus juste.

Trop souvent, le profil que l’on attribue facilement aux auteurs de violences sexuelles dans le sport les cantonne à celui du prédateur malveillant, celui qui tisse ta toile pour que la victime, qui ne l’est pas encore, se laisse abuser en toute confiance. Trop souvent, on oublie que, parfois, un entraineur va malgré lui se retrouver prisonnier de la relation d’admiration qu’il éprouve envers l’athlète en devenir, et que de cette admiration va naitre une forme pathologique d’amour le conduisant à des comportements déviants qui, s’ils restent évidemment répréhensibles, n’en sont pas moins troublants puisque ne s’inscrivant pas obligatoirement dans une intentionnalité malveillante.

La question ici soulevée par Slalom n’est donc pas tant de savoir si l’entraineur est réellement malveillant ou non, si les comportements de violence sexuelle dont le public devient spectateur sont impulsifs ou prémédités… Chacun se fera son avis à l’issue de la projection. L’important est que, par le biais de la mise en scène et la réalisation savamment orchestrées par Charlène Favier, chacun puisse se questionner sur la diversité situations, des contextes et des formes d’emprise pouvant tristement et gravement conduire à la survenue de violences sexuelles dans le sport. Se questionner à ce sujet, c’est entrevoir une nouvelle et meilleure façon de sensibiliser, éduquer, former et responsabiliser l’ensemble des protagonistes évoluant dans le milieu sportif : athlètes, entraineurs, parents, dirigeants.

A ce titre,  Slalom est aussi, au-delà de sa qualité cinématographique d’ores et déjà constatée et récompensée, un support de prévention qui pourra contribuer activement et efficacement à la lutte contre les violences sexuelles dans le sport et dans d’autres milieux analogues.

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