On pouvait s’attendre à des dérapages ou propos inconvenants. On aurait pu penser qu’il fût préférable que d’autres plateaux abordent le sujet. Et pourtant… On a aussi le droit d’être agréablement surpris lorsque TPMP consacre des sujets aux affaires de violence sexuelle récemment médiatisés dans le champ de la télévision comme dans le champ sportif.

Cela commence donc le lundi 13 décembre par un long moment consacré à l’affaire PPDA, suite au reportage diffusé sur TF1 à ce sujet, moment dans le cadre duquel les échanges entre chroniqueurs (si surjoués soient-ils pour que le public ait droit à son spectacle favori, les clashs et les recadrages en direct) permettent néanmoins d’écouter la parole de victimes et les avis parfois peu avisés de certains chroniqueurs.

Le sujet a en tout cas le mérite d’être traité auprès d’un public peut-être moins enclin que d’autres à visionner des reportages plus sérieux et plus longs sur le sujet, comme ceux diffusés sur Arte, l’Equipe ou RMC Story lors des dernières années.

Mardi 14, rebelote. A l’exception qu’il n’est pas question de scandale télévisuel, mais sportif, la recherche de révélations autour de l’affaire Agnel justifiant apparemment mes avis en tant qu’auteur du rapport ministériel réalisé auprès de Roselyne Bachelot.

Se retrouvent sur le plateau Sarah Abitbol, connue depuis la parution de son ouvrage et de ses révélations ayant donné lieu à la déflagration au sein de la Fédération Française des Sports de Glace et la démission largement commentée et espérée de son président, Audrey Larcade, dont le combat juridique reste un cas d’école tant le classement sans suite de la plainte déposée à l’encontre de son agresseur reste inexplicable avant qu’il ne soit finalement condamné 7 ans plus tard, et moi-même.

decamps larcade abitbol

Forcément, intervenir en tant qu’expert pour parler d’un tel sujet sur un tel plateau n’est pas chose aisée. Mais il convenait de saisir cette occasion pour que le grand public puisse entendre les messages que nous peinons depuis des années à rendre audibles en dehors du champ sportif.

Ici, l’affaire Abitbol apparait comme un copier-coller de l’affaire PPDA, similaires en de nombreux points : le personnage tout-puissant (l’entraineur ou le présentateur) abusant de son autorité et de ses menaces pour convaincre ou soumettre ses victimes (jeunes sportives ou assistantes et collègues), les tentatives de signalement de la part des victimes se heurtant au refus d’écoute des instances dirigeantes (voire même au souhait de dissimuler les agissements dénoncés), le silence dans lequel les victimes sont condamnées à se réfugier pendant plusieurs années, la libération de nouveaux témoignages par l’effet boule de neige généré par les nombreuses révélations émanant de tous les domaines (sportif, journalistique, audiovisuel, musical, cinématographique, artistique, politique, etc.), pour que la société s’empare du sujet et force les instances concernées à réagir (après un mea culpa aussi rapide qu’hypocrite) et la justice à mener enquête. A la différence que si la justice a réalisé son travail dans l’affaire Abitbol, tout reste à faire du côté de l’ancien présentateur vedette de TF1.

S’en suit le témoignage d’Audrey Larcade, dont la justesse, la simplicité et la sincérité pose le cadre qui convenait à ce sujet : le silence et l’écoute.

Témoignage d’Audrey Larcade :

Sarah prend alors la parole pour accompagner ce témoignage et s’inscrire, comme depuis ses révélations, dans une démarche courageuse visant à inciter les victimes qui, pour des raisons qui leur appartiennent, n’ont pas encore fait le choix de parler des violences auxquelles elles ont pu être exposées.

Intervention de Sarah Abitbol et Greg Décamps :

Au delà de ces témoignages, il reste évidemment important de rappeler comme je le fais ensuite que les entraineurs prédateurs ne sont pas les seuls agresseurs et que la protection des sportifs ne passe pas uniquement par la formation des entraineurs mais également par le renforcement de la vigilance parentale. 2 minutes pour convaincre. C’est fort peu, mais finalement suffisant pour que nombre de messages de remerciements et commentaires soutenants me parviennent pour avoir su porter cette parole dans un tel contexte.

Bref. Depuis des mois, on nous rabâche qu’il faut libérer la parole. C’est faux. Les victimes parlent. Depuis longtemps. Le problème est que, pendant des dizaines d’années, leur parole n’a pas été écoutée. Voire même, écoutée mais dénigrée (on se souvient de la façon dont Catherine Moyon de Baecque, première française à avoir dénoncé des violences dans le sport, a été harcelée pour avoir gagné son procès dans cadre de « l’affaire des lanceurs de marteaux »).

Les propos d’Isabelle Morini-Bosc à propos de l’affaire PPDA prennent alors tout leur sens quant à la façon d’illuster les techniques visant à réduires victimes et témoins au silence : « celles qui parlaient étaient traitées de menteuses et seule la parole des puissants était prise en compte »…

Elle fustigera au passage l’attitude dubitative et culpabilisante de certains de ses collègues recourant au fameux discours « si tout le monde savait, alors pourquoi personne n’a parlé? » …

Aujourd’hui, la question n’est donc plus de libérer la parole mais de s’assurer qu’elle soit écoutée et considérée comme il se doit. D’une certaine façon, au delà de l’aide qu’il est nécessaire d’apporter aux victimes souhaitant s’engager dans une démarche de divulgation, il convient également d’aider les témoins à se départir de leurs craintes et hésitations qui confinent les victimes au statut de plaignantes illégitimes.

signalsport

Parler lorsque l’on est victime, c’est se protéger. Parler lorsque l’on est témoin, c’est protéger les victimes ainsi que les autres personnes qui ne le sont pas encore.

Pour témoigner, il est possible de se tourner vers la cellule Signal-Sports mise en place par le Ministère des sports qui, après à peine un an d’existence a déjà été amené à traiter plus de 600 cas de signalements.

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